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NAM NAK NAKMUAY THAI (POIDS BOXEURS THAÏS)

Temps de lecture : 6 minutes

NAM NAK NAKMUAY THAI (POIDS BOXEURS THAÏS)

by Serge TRÉFEU (2018)

Le poids (Nam Nak), l’ennemi juré du boxeur qui obsède ses pensées tout au long de sa carrière. Avant même de rencontrer son adversaire, le boxeur doit gagner une première bataille, celle d’arrivée au poids le jour du combat.

CHAQUE CAMP DE BOXE THAÏLANDAIS POSSÈDE SA BALANCE TRADITIONNELLE, L’INSTRUMENT INDISPENSABLE POUR MESURER PRÉCISÉMENT LE POIDS DES BOXEURS

UN JEUNE BOXEUR DU CAMP SOR SITAWEE SUR LA BALANCE

L’ENTRAÎNEUR DU CAMP LOOKPRABAT VÉRIFIE LE POIDS DU CHAMPION KOMPHETLEK LOOKPRABAT (CHAMPION DU RADJA, CHAMPION DU MONDE WBC)

JEUNES BOXEURS DU CAMP PINSINCHAÏ DE BANGKOK

La perte de poids est une véritable épreuve pour certains boxeurs, un exercice difficile qui requiert de la discipline et un gros effort mental. Garder constamment son poids de combat est très compliqué pour un combattant.

En Thaïlande, les boxeurs professionnels ont l’habitude de gérer la perte de poids avant une échéance importante. Ils sont biens rodés à cet exercice éprouvant. En général, ils savent bien à l’avance à quelle date va avoir lieu leur combat, contre qui et à quel poids exactement. Ils sont programmés pour combattre, environ tous les mois, dans les stadiums du Lumpinee, du Radja, d’Omnoï ou de la TV7.

La plupart pèsent bien au-dessus de leur poids naturel, ils ont souvent quatre, cinq, voir même parfois huit kilos à perdre avant un combat. Car après chaque combat, les boxeurs décompressent complètement, ils mangent plus, se reposent et font un peu la fête ce qui provoque une augmentation rapide du poids.

Beaucoup de boxeurs thaïlandais fonctionnent comme cela, ils commencent leur régime draconien environ trois semaines avant le jour J.

Après une semaine de repos suite à un combat, le boxeur reprend doucement l’entraînement. Son entraîneur lui donnera une boisson spéciale pour enlever les déchets du corps. Il va boire pratiquement une bouteille entière de « Yaa Nam Radompon », une sorte de laxatif au goût amer qui va purifier l’organisme des toxines accumulées à l’intérieur du corps. Après cette boisson, il commence à perdre environ un à deux kilos en faisant attention à ce qu’il mange.

LA BOISSON YAA NAM RADOMPON EST UN PUISSANT LAXATIF

Les jours suivant, le boxeur va effectuer de longs footings de récupération, 10 Km le matin, 5 à 6 Km l’après midi, afin d’éliminer les calories et les toxines emmagasinées. Il va perdre encore quelques kilos.

Deux semaines avant son combat, son entraînement va s’intensifier. Les leçons aux paos, les séances de corps à corps et au sac de frappe, seront quotidiennes, du lundi au samedi. Le matin, il fera toujours son footing de 10 Km. Ensuite, il va rajouter 15 à 20 minutes de saut à la corde. Le boxeur peut encore manger conséquemment avec trois repas par jour. Son entraînement intensif a permis de brûler les graisses dans le corps.

(Voir l’article sur l’alimentation des boxeurs)

https://www.siamfightmag.com/wordpress/l-alimentation-des-champions/

DURANT LEUR ENTRAÎNEMENT DE SPARTIATE LES BOXEURS BOIVENT ÉNORMÉMENT D’EAU, ENTRE QUATRE ET CINQ LITRES D’EAU PAR JOUR. EN THAÏLANDE, LA TEMPERATURE PEUT MONTER JUSQU’A 40 DEGRÉS

PETCHBOONCHU FA GROUP (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION DU RADJA, CHAMPION DE THAÏLANDE)

F16 RACHANONT (CHAMPION DU LUMPINEE)

NONG O KAYANGHADDAO (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION DU RADJA, CHAMPION DE THAÏLANDE)

KONGSAK SITBONMEE (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION DE THAÏLANDE)

SAMSAMUT KIATCHONKHAO (CHAMPION DU RADJA, CHAMPION DE THAÏLANDE)

PHETMORAKOT TEDEED99 (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION TV7, CHAMPION DE THAÏLANDE)

Trois à quatre jours avant le combat, le boxeur passe de deux repas par jour à une assiette par jour. Lors de ses footings, il portera une « Chutsaonaa » (Combinaison pour suer) qui lui permettra de perdre ses derniers kilos en trop.

LA COMBINAISON DE SUDATION, SOUVENT EN MATIÈRE PLASTIQUE, SERT À TRANSPIRER ÉNORMÉMENT

BOXEUR DU CAMP PINSINCHAÏ AVEC SA COMBINAISON DE SUDATION

CE JEUNE BOXEUR DU CAMP PINSINCHAÏ S’ENDUIT LE CORPS D’HUILE CHAUFFANTE (NAMMAN MUAY) AVANT DE COURIR AVEC SA TENUE DE SUDATION

LEKKLA TANASURANAKORN (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION DE THAÏLANDE) S’ENTRAÎNE AVEC UNE VESTE DE SUDATION

LORSQU’ILS ONT TERMINÉ LEUR FOOTING, LES BOXEURS SE FONT MASSER. LE MASSAGE DES MUSCLES PROCURE UNE ÉLASTICITÉ ET UNE RÉCUPÉRATION MUSCULAIRES

CE BOXEUR DU CAMP GALAXY GYM DE BANGKOK, APRÈS SON JOGGING EN COMBINAISON DE SUDATION A TOUT DE SUITE ENCHAÎNÉ PAR 20 MINUTES DE SAUT A LA CORDE

Deux jours avant le combat, le boxeur ne mange presque plus mais boit encore de l’eau et court en plein soleil avec sa veste de sudation. La veille de la pesée (Chang Nam Nak), il ne mange qu’une soupe et boit un peu d’eau.

Le jour de son combat, le boxeur se pèse à 6h30 du matin. S’il a quelques grammes en trop, il va devoir courir encore avec sa veste de sudation pour arriver au poids exacte.

MONGKONCHAÏ KIETPETCH (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION TV7) AVEC SA VESTE DE SUDATION. LE MATIN DE SON COMBAT AU STADIUM DU LUMPINEE (ANCIEN STADIUM), IL A DÛ COURIR PRÈS DU STADIUM DU LUMPINEE POUR PERDRE ENCORE DU POIDS. MONGKONCHAÏ A PERDU SON COMBAT PAR KO CONTRE WANCHALONG QUI ÉTAIT AU POIDS

EKCHANACHAÏ KAEWSAMRIT (CHAMPION DU RADJA), LE MATIN DE SON COMBAT, AVEC SA VESTE DE SUDATION, COURT DANS LE STADIUM VIDE DU RADJA POUR PERDRE SES DERNIERS GRAMMES

PESÉE DE BOXEURS AU STADIUM DU LUMPINEE (ANCIEN STADIUM)

PESÉE DE BOXEURS AU STADIUM DU RADJA

Le calvaire d’un régime drastique du boxeur se termine enfin après la validation de son poids officiel inscrit sur un tableau.

L’UNITÉ DE POIDS EN THAÏLANDE EST LA LIVRE (1 LIVRE = 0,450 GRAMMES). VOILA UN TABLEAU DE KILOGRAMMES EN LIVRES

SUR LE TABLEAU DU STADIUM DU LUMPINEE (ANCIEN STADIUM), LES OFFICIELS INSCRIVENT LES NOMS ET POIDS DES COMBATTANTS DE LA SOIRÉE

TABLEAU OFFICIEL DU STADIUM DU RADJA

Le matin du combat, le combattant ne mange pas trop. Mais il boit beaucoup pour bien réhydrater son corps.

La déshydratation pour éliminer un maximum d’eau et perdre du poids a été tellement brutale que souvent les boxeurs se font des perfusions dans leur chambre. Une perfusion intraveineuse d’une solution glucosée hypertonique. Ainsi, le combattant reprend des forces plus rapidement. Une pratique que beaucoup de médecins condamnent car elle peut causer des gros dégâts au corps de l’athlète. De plus, la plupart du temps ces perfusions bricolées sont réalisées par un homme de coin du boxeur et non par une infirmière ou un médecin compétent. Ce qui augmente le risque d’accident pour la santé du boxeur. Mais en Thaïlande, dans le milieu des boxeurs professionnels, malheureusement ces pratiques sont courantes.

Ensuite, le matin, le boxeur fait une sieste d’environ trois heures. Pour le déjeuner, il va manger et boire énormément.

Avant son combat qui aura lieu le soir, l’après-midi, le boxeur fait de nouveau une sieste. Puis, il va encore manger et boire. Dans cette dernière journée, au bout de quelques heures, le boxeur peut prendre jusqu’à trois à quatre kilos. Lorsqu’il va combattre sur le ring, il est bien au-dessus de son poids de forme initial…

Le grand champion français Rafi Singpatong (Champion du Lumpinee, champion du monde WBC, WMC) qui est le détenteur actuel de la ceinture du stadium du Lumpinee, un titre prestigieux qu’il a conquis cinq fois, vit depuis de nombreuses années en Thaïlande. Étant un boxeur professionnel comme les combattants thaïlandais, il nous a fait un détail de sa lutte contre le poids avant son combat final.

« Mon poids, lorsque je suis entraîné est entre 68 Kg 500 et 69 Kg 500 (Rafi combat entre 142 lbs = 64 Kg 600 et 147 lbs = 66 Kg 900).

Après un combat, sur une période sans faire de sport, durant plus de dix jours et en mangeant un peu plus à l’européenne, mon poids peut aller jusqu’à 71 Kg. Mais cela été rarement le cas. A chaque fois, j’essaye de reprendre rapidement un rythme de sport (3 ou 4 jours après un combat).

Mon poids, en faisant attention, une semaine avant un combat, est entre 67 Kg et 68 Kg 5oo. Je sais combien il me reste vraiment à perdre en faisant des footings avec ma combinaison de sudation.

Cinq jours avant la pesée, je commence à faire attention au poids. Je ne bois plus de boissons sucrées et je mange beaucoup moins de féculents.

Trois jours avant le combat, je me fais masser le matin et l’après-midi j’effectue un entraînement léger en veste de sudation. Pour les deux derniers jours, je cours en combinaison de sudation deux fois par jour.

Il m’est arrivé de faire une perfusion après la pesée pour mieux récupérer. Une perfusion contenant une solution saline (Solution stérile de chlorure de Sodium à 0,9%).

Je bois du « Yaa Nam Radompon » deux ou trois jours après le combat pour évacuer les hématomes.

Au stadium du Lumpinee ou du Radja, le jour du combat pour la pesée qui se fait le matin, je dois être entre 140 livres (63 Kg 500) et 142 livres (64 Kg 400) (Lorsque Rafi combattait à 140 lbs, aujourd’hui il combat entre 142 lbs et 147 lbs).

J’essaye la veille au soir de courir jusqu’à ce que mon poids tombe d’1 livre (0,450 g) ou plus en dessous du poids de la pesée officielle, comme ça ensuite je peux manger (Je mange jusqu’à 2 livres (0,900 g) au dessus de mon poids de pesée officielle).

Si j’ai tout fait correctement, au matin, il ne me reste plus qu’1 livre (0,450 g) à perdre. Ce n’est pas beaucoup mais à 6h30 du matin (Heure de la pesée), le soleil se fait rare donc il faut quand même courir 15 à 20 minutes pour perdre ces quelques grammes. Si j’ai craqué la veille au soir, à beaucoup boire, je devrais ensuite le matin perdre trop de poids et trop courir. Dans ces cas là, souvent le combat est pratiquement perdu d’avance (Les jambes sont coupées pour les deux derniers rounds). Et là, le mental travail toute la journée à essayer de se faire une stratégie de dernière minute et en général ça ne paye pas…

La pesée terminée, j’ai le sourire jusqu’aux oreilles, enfin presque car j’ai très soif mais je dois d’abord manger un maximum avant de me faire plaisir sur le jus de fruit. Ensuite, c’est un seau de glaçons dans l’eau pour un massage tonique. Je mange de nouveau, puis une sieste, et je mange encore léger quelques trucs sucrés. Ensuite, je fais un massage à l’huile de boxe, une douche et en route pour le stadium. Le combat trotte gentiment dans ma tête… »

RAFI SINGPATONG EST L’ACTUEL CHAMPION DU LUMPINEE EN 147 LBS

RAFI SINGPATONG ET KONGSAK SITBOONMEE (CHAMPION DU LUMPINEE, CHAMPION DE THAÏLANDE) APRÈS LEUR PESÉE AU STADIUM DU LUMPINEE (RAFI A BATTU KONGSAK PAR KO)

RAFI SINGPATONG EN COMBINAISON DE SUDATION ET NAVEE EAGLE MUAYTHAI (CHAMPION DU RADJA) APRÈS LA PESÉE AU STADIUM D’OMNOÏ (RAFI A BATTU NAVEE PAR KO)

LA PESÉE TERMINÉE LE CHAMPION RAFI SINGPATONG REPREND DES FORCES AVEC UN BON REPAS

Parfois, la perte de poids d’un combattant thaïlandais est si violente qu’elle peut engendrer une défaite sur le ring. Et peut être, plus tard, un impact dévastateur sur le corps. Le boxeur professionnel français David « Singpatong » Hergault (Champion du sud de la Thaïlande en 1998, 15 combats au stadium du Lumpinee, 3 combats au stadium TV7), qui a combattu pendant de nombreuses années en Thaïlande, nous raconte une mésaventure avant l’un de ses combats.

« Le pire de mes souvenirs, c’était contre un boxeur renommé qui s’appelait Balat. Mon promoteur avait contacté mon entraîneur en avançant le combat d’une semaine, pour cela il nous avait prévenu cinq jours avant.

J’ai dû donc perdre 7 Kg en trois jours. De ne pas manger c’était encore supportable. Mais le pire c’était de ne pas boire, rien du tout pendant trois jours, c’était horrible.

Les Thaïlandais m’ont enfermé dans une voiture après m’avoir fait sauter à la corde, un véritable sauna ambulant. La nuit, je me cognais la tête contre les murs, impossible de dormir.

Le jour de la pesée, pas de soucis, j’étais au poids, et même en dessous à 59 Kg 500. Le combat était à 61 Kg 500. Par contre, le combat a eu lieu à 12H45. J’ai eu très peu de temps pour me recharger. La seule chose que j’avais envie c’était de boire, de boire et encore de boire. Mais il m’était impossible d’avaler quoique se soit. Lors du combat, au premier round, je n’avais plus de force, plus de jus. J’ai été compté deux fois. La deuxième fois, j’ai reçu au moins 15 coups de poings dans la mâchoire avant de tomber. Je me suis relevé. Mais je ne pouvais plus aller au combat. Un conseil, il y a des combats qu’il ne faut pas forcement accepter pour faire plaisir au promoteur. Même si là, c’était un concours de circonstance… »

DAVID HERGAULT A COMBATTU POUR LE CAMP SINGPATONG À PHUKET PENDANT PLUSIEURS ANNÉES

LE CHAMPION DAVID HERGAULT APRÈS UN RÉGIME DRASTIQUE PENDANT LEQUEL IL N’A PAS MANGÉ D’ALIMENTS SUCRÉS DURANT UN MOIS