JEAN ATONGA “LA PANTHÈRE NOIRE DE VILLIERS LE BEL” (CARRIÈRE 1990-2000)
JEAN ATONGA
« LA PANTHÈRE NOIRE DE VILLIERS LE BEL »
Issu d’une famille nombreuse, Jean Atonga a grandi dans la cité populaire du Puits-La-Marlière à Villiers-Le-Bel, un des quartiers les plus bouillants du département du Val-d’Oise (95).
Jean Atonga a fait ses premiers pas dans la boxe thaï en 1988, au sein du mythique club de Villiers-Le-Bel tenu par Khru Thomas Mendez, une figure emblématique de la boxe thaïlandaise en Europe. Il s’est rapidement démarqué par sa détermination, son courage et son style technique percutant.
Décédé en 2012, Thomas Mendez était l’un des pionniers de la boxe thaï en Espagne. Élève de Master Roger Paschy dans les années 80, Mendez avait appris auprès du maître incontesté de cette discipline en France.
Originaire de la province ensoleillée d’Almería, en Andalousie, Thomas Mendez avait un parcours unique. Ancien champion de karaté Kyokushinkai, il avait rapidement élargi son horizon martial pour devenir l’un des premiers professeurs à enseigner la boxe thaï en Espagne.
Bien qu’il ait vécu en France et dirigé son club, le Mendez Boxing Club, avec passion et rigueur, Mendez ne coupait jamais les liens avec ses origines. Il retournait régulièrement en Espagne, sur sa terre natale, transmettant son savoir et son amour pour le sport.
Sous sa direction, le club de Villiers-Le-Bel n’était pas qu’un simple lieu d’entraînement : c’était un espace où l’on apprenait non seulement la boxe, mais aussi à se discipliner et à canaliser son énergie dans un cadre positif.
Thomas Mendez a formé une équipe de grands champions français, des redoutables combattants qui ont marqué les années 90. Au Mendez Boxing Club, il y avait notamment Josselin « Joss » Christophe (Champion du monde, champion d’Europe, champion de France), Christophe « Numbo » Lavrillat (Champion d’Europe, champion de France), Eddy Saban (Champion d’Europe, champion de France), Dida Diafat (Champion du monde, champion d’Europe, champion de France) et Jean Atonga. Thomas Mendez a aussi formé le champion espagnol Alfonso Rodríguez Ríos (Champion du monde).
Très vite, Jean Atonga est devenu un combattant redouté sur les rings européens, il s’est frotté à certains des plus grands noms de la boxe thaï et du kickboxing de son époque tels que Branco Cikatik, Frank Lobman, Jan Wessels, Rob Van Esdonk, Lawrence White, Darius Alibek, Cyrille Diabaté.
En 1990, à 20 ans, Jean Atonga entre dans le monde de la compétition de la boxe thaïlandaise de façon spectaculaire. Sans passer par les étapes intermédiaires habituelles, il dispute directement un combat pour le titre national dans la catégorie des poids lourds (80-90 kg). À cette époque, cette catégorie était encore peu représentée en France, ce qui expliquait cette opportunité précoce.
Son adversaire, Mohamed Bennais, était un combattant issu du Nemrod Boxing de Stains du célèbre professeur Omar Benamar, un autre club de référence dans la région parisienne.
Le combat, organisé dans une ambiance survoltée, débute avec intensité. Jean Atonga impressionne par sa combativité et son style explosif, tenant tête à Bennais malgré l’expérience de ce dernier. Round après round, les échanges sont acharnés, chaque combattant donnant tout pour prendre l’avantage.
Cependant, dans le dernier round, l’ambiance sur le ring est éclipsée par les tensions qui montent dans les tribunes. Les supporters des deux clubs, Villiers-Le-Bel et Stains, en viennent aux mains, déclenchant une bagarre générale dans la salle. Le chaos force les organisateurs à interrompre le combat avant la fin officielle des rounds. Une fois le calme revenu, Mohamed Bennais est déclaré vainqueur aux points…
Malgré le revers lors de son premier combat pour le titre national en 1990, Jean Atonga n’a pas tardé à démontrer son talent. Peu après cet épisode tumultueux, il revient sur le devant de la scène lors d’une rencontre organisée dans la mythique salle Japy, à Paris.
Son adversaire, James David, un combattant de Romainville, est réputé pour son endurance. Jean Atonga aborde ce combat avec détermination et impose son rythme. Son agressivité contrôlée et sa condition physique supérieure mettent James David en difficulté. Il gagne le match par arrêt de l’arbitre et devient champion de France. Jean Atonga a remporté ce titre national à trois reprises !
En juin 1991, au Palais des Sports de Nanterre, lors d’une réunion organisée par l’un des pionniers de la boxe thaï en France, Kouider Abdelmoumeni, Jean Atonga a défié le redoutable Hollandais Jan Wessels, champion du monde WKA en titre, avec près de 30 combats à son actif. Jean Atonga, qui venait de décrocher le titre de champion de France quelques mois auparavant, ne comptait alors que 6 combats à son actif.
Dès le début du combat, le Français impressionne par sa technique et sa maîtrise, notamment grâce à ses magnifiques coups de genou. Il domine nettement les deux premiers rounds, imposant son rythme et perturbant son adversaire. Mais malheureusement, au troisième round, Jean Atonga est surpris par un uppercut droit du Hollandais, qui le met KO.
Ce soir-là, son camarade de club Dida Diafat devient, pour la première fois, champion du monde de boxe thaï en – 63,5 kg en battant le Thaïlandais Sonnaline.
La même année, au pied levé et prévenu seulement quatre jours à l’avance, Jean Atonga s’est rendu en Angleterre pour remplacer l’Américain Maurice Smith, initialement prévu pour affronter le champion anglais Lawrence White pour le titre mondial de boxe thaï en poids lourd.
Lawrence White, qui pesait près de 15 kg de plus que Jean Atonga, était beaucoup plus puissant et réputé pour la force de ses frappes au poing. Cependant, Jean Atonga a su tirer parti de sa technique supérieure. Grâce à un superbe travail au corps à corps et à ses coups de genou redoutables, il a pris l’avantage sur le champion anglais, le mettant plusieurs fois au sol dans les derniers rounds et le faisant compter par l’arbitre.
Malgré sa performance impressionnante, les juges locaux ont finalement déclaré un match nul entre les deux protagonistes, laissant le titre sans vainqueur…
En 1991, le guerrier Jean Atonga a également défié chez lui à Rotterdam la star du moment, le puncheur hollandais Frank “The Animal” Lobman (5 fois champion d’Europe, 116 combats pour 110 victoires, dont 100 par KO). Face à ce sacré client, le Français s’est incliné par KO. Il faut préciser que Jean Atonga pesait seulement 82 kg et affrontait souvent des adversaires bien plus lourds que lui, comme la montagne de muscles qu’était Frank Lobman, qui pesait 90 kg…
Le 19 octobre 1991, en Allemagne, à Berlin, Jean Atonga a affronté le redoutable Croate Branko Cikatić (8 fois champion du monde) pour le titre mondial WMTA en – 86 kg.
Branko Cikatić, connu pour être le premier champion poids lourd à remporter, en 1993, le prestigieux tournoi japonais K-1 World Grand Prix, était largement favori face au Français. Issu du célèbre club hollandais Chakuriki Gym, il avait déjà conquis les titres de champion du monde IKBF en kick-boxing et WMTA en boxe thaï. Surnommé le « Tigre de Croatie », Cikatić était redouté pour la puissance dévastatrice de ses poings, ayant mis KO les meilleurs combattants de son époque.
Malgré la réputation de son adversaire, Jean Atonga a livré une performance exceptionnelle, dominant techniquement le Croate tout au long du combat. Cependant, les juges ont d’abord déclaré Branko Cikatić vainqueur aux points, une décision qui a provoqué un scandale parmi le public.
Face à la contestation, la team de Jean Atonga a déposé une réclamation. Après réexamen, la décision a été modifiée en faveur du Français. Ainsi, Jean Atonga est devenu champion du monde, réalisant un véritable exploit face au légendaire « Tigre de Croatie » !
En 1992, aux Pays-Bas, Jean Atonga a affronté le grand champion Rob Van Esdonk pour le titre de champion d’Europe en kick-boxing. Malgré une performance courageuse, il s’est incliné honorablement aux points face à l’expérimenté Hollandais.
Quelques mois plus tard, en Allemagne, Jean Atonga a croisé les gants avec le combattant local Darius Alibek pour le titre de champion d’Europe en boxe thaï en – 86 kg. Deux mois auparavant, Darius Alibek s’était mesuré au légendaire Hollandais Peter Aerts, qui l’avait battu par arrêt de l’arbitre. Alibek était un adversaire expérimenté et redoutable, mais cela n’a pas intimidé Jean Atonga.
Grâce à un match parfaitement maîtrisé, Jean Atonga a battu Darius Alibek, décrochant ainsi la ceinture européenne. Une victoire marquante dans la carrière du Français, qui a ajouté un nouveau titre renommé à son palmarès !
En raison d’une blessure à l’œil, Jean Atonga a été contraint de mettre sa carrière entre parenthèses pendant quatre ans.
En 1997, il est remonté sur le ring pour affronter la jeune étoile montante du moment, le grand champion Cyrille Diabaté.
Pour ce combat, Jean Atonga, qui avait pris du poids et pesait plus de 100 kg, a dû suivre un régime drastique afin d’atteindre les 81 kg requis le jour du combat. Affaibli par cette perte de poids excessive, il n’a pu tenir que deux rounds face à Cyrille Diabaté. Son coin a préféré sagement jeter l’éponge pour préserver la santé du champion. Ce combat marqua la fin de la carrière de “La Panthère Noire”.
Jean Atonga fait partie des grandes figures de l’âge d’or du Muay Thaï en France. Bien qu’il ait été peu médiatisé, il est reconnu pour sa générosité, tant sur le ring qu’en dehors. Restant fidèle à ses racines, il continue aujourd’hui à transmettre son savoir, durement acquis sur les rings, aux jeunes de son quartier d’enfance à Villiers-Le-Bel.
BY SERGE TRÉFEU