BOXING BAR PATTAYA, GUILLAUME KERNER, DANY BILL, JEAN-CHARLES SKARBOWSKY, FABIO PINCA, YOUSSEF BOUGHANEM, KAMEL JEMEL, DJAMEL YACOUBEN, NASH ULAR
BOXING BAR PATTAYA, GUILLAUME KERNER, DANY BILL, JEAN-CHARLES SKARBOWSKY, FABIO PINCA, YOUSSEF BOUGHANEM, KAMEL JEMEL, DJAMEL YACOUBEN, NASH ULAR
special report by Serge TRÉFEU (2024)
Depuis plus de 30 ans, il existe en Thaïlande, dans le quartier animé de Pattaya, des bars particuliers où un ring est installé au centre pour des combats. Ces affrontements sont souvent des shows d’exhibition destinés aux touristes, mais aussi, parfois, de véritables matchs de Muay Thai.
Ces bars se trouvent dans le sulfureux quartier de « Walking Street ». Parmi les plus célèbres, on compte le Best Friend, le Marine Bar et le Siren Bar.
Les boxing bars de Walking Street sont un symbole des contrastes de Pattaya : à la fois authentiques et spectaculaires, ils attirent les curieux comme les passionnés de Muay Thai, offrant une expérience inoubliable dans le tumulte du quartier le plus animé de Thaïlande.
Les combats dans les bars en Thaïlande, même s’il s’agit parfois de véritables matchs, ne sont pas reconnus par l’organisation officielle du Muay Thai thaïlandais. Ces affrontements sont généralement considérés comme des matchs d’exhibition. Il est vrai que la plupart des bars proposent des shows parfois burlesques, opposant des boxeurs thaïlandais de niveau moyen à des étrangers au faible bagage pugilistique.
Cependant, il existe également des combats très durs où certains boxeurs acquièrent de l’expérience en combattant fréquemment dans ces bars. De nombreux boxeurs thaïlandais, souvent très jeunes, ainsi que des combattants étrangers, ont fait leurs premières armes sur le ring dans ce genre de lieux.
De grands champions thaïlandais ont fait leurs débuts dans ces bars spéciaux de Pattaya. Les immenses champions Yokthai Sit-Or (Champion du Lumpinee, Champion du monde WMC, et Champion du monde WBA en boxe anglaise) et Thappaya Sit-Or (Champion du Rajadamnern, Champion TV7, et Champion du monde WMC) en sont un exemple marquant.
Dans les années 1980, alors qu’ils s’entraînaient au camp Sit-Or Gym à Pattaya, ces futurs grands noms du Muay Thai avaient pour habitude de combattre dans ces bars touristiques de Pattaya pour gagner quelques bahts.
Sinsamut Sor Klinmee, le petit frère de la star Sudsakorn, aujourd’hui combattant du ONE Championship, a effectué de nombreux combats dans les bars de Pattaya durant son enfance. Son père, le célèbre entraîneur Yak, souhaitait qu’il s’endurcisse en multipliant les combats dès son plus jeune âge. Et Sinsamut a beaucoup souffert durant ces affrontements dans ces bars…
La superstar actuelle du ONE Championship, Tawanchai P.K. Saenchai Muaythaigym (Champion du monde ONE Championship, Champion de Thaïlande, Meilleur boxeur de l’année 2018), a lui aussi combattu dans les bars de Pattaya.
Originaire de Nong Prue, dans la province de Chonburi, Tawanchai a débuté sa formation au camp Petchrungruang Gym à Pattaya, situé à proximité de sa maison. Il a disputé son premier combat à l’âge de 12 ans dans un bar de Walking Street. Ce soir-là, il a remporté une victoire impressionnante par KO. Pour le récompenser de sa performance, un touriste étranger lui a offert 800 bahts, un souvenir marquant de ses débuts prometteurs !
D’autres champions thaïlandais ont également combattu dans ces bars. À la grande époque du célèbre camp Sityodtong de Master Yodtong, de nombreux enfants issus de ce camp de boxe participaient régulièrement à des combats dans ces établissements.
Ces bars accueillent aussi parfois des combats féminins. La championne américaine Sylvie Von Douglas (Championne du monde), qui vit en Thaïlande et détient le record de combats pour une étrangère avec 273 combats en Thaïlande, a disputé un combat dans le bar Best Friend de Pattaya.
Quelques très grands champions étrangers ont partagé avec Siamfightmag leurs anecdotes concernant ces lieux emblématiques des Muay Thai Shows à Pattaya :
Guillaume Kerner (2 fois champion du monde, champion d’Europe, 5 fois champion de France) est considéré comme le meilleur technicien de sa génération. Il est l’un des premiers étrangers à avoir défié les champions thaïlandais dans leurs propres stadiums. Il a battu plusieurs grands champions thaïlandais des années 80 et 90 issus des plus grands stadiums de Bangkok :
« J’ai combattu au Marine Bar de Walking Street à Pattaya. Il y avait aussi avec moi Joël César (champion du monde, champion d’Europe) du Derek Gym qui a combattu. C’était en 1987. J’ai affronté un ancien champion qui s’appelait “Mékong”. Il a été plusieurs fois champion du Radja. Il était très connu à l’époque et travaillait à Pattaya. Je l’ai battu aux points. Cela me rappelle de sacrés souvenirs, car je n’avais que 18 ans pour ce combat à Pattaya… »
Dany Bill (7 fois champion du monde, 3 fois champion de France) est considéré comme le meilleur technicien étranger de l’histoire du Muay Thai. Il a vaincu les meilleurs champions du Lumpinee et du Radja des années 90 et a été le premier étranger à remporter une ceinture de champion du monde en Thaïlande, lors de l’anniversaire du Roi à Bangkok :
« J’ai boxé deux fois dans les bars de Pattaya. La première fois, c’était au Marine Bar, et la deuxième fois, c’était au Siren Bar, le bar qui était juste à côté. Je ne sais plus s’il existe encore. J’ai affronté deux anciens champions thaïlandais que j’ai battus, et voilà, après, c’était parti pour les autres combats… »
Jean-Charles Skarbowsky (N° 1 du stadium du Radja, 3 fois champion d’Europe) est considéré comme l’un des meilleurs étrangers de l’histoire. En Thaïlande, il est aussi célèbre que le légendaire hollandais Ramon Dekkers. Jean-Charles Skarbowsky a été le premier étranger de l’histoire à être classé N°1 du mythique stadium du Radja de Bangkok :
« J’ai fait un combat au Best Friend, un combat au Siren Bar et 14 combats au Marine Bar. En tout, j’ai disputé 16 combats dans les bars de Pattaya : cinq combats à 18 ans, cinq combats à 19 ans, et six combats à 20 ans. J’ai remporté 13 combats par KO, deux aux points, et j’ai fait un match nul.
Parmi tous ces combats, j’ai affronté un grand champion, Apichaï Sityodtong (300 combats). Ce soir-là, quand je l’ai rencontré, il y avait Ajahn Yodtong (Maître Yodtong, fondateur du Sityodtong Gym) et aussi Guillaume Kerner (champion du monde). Apichaï avait battu Manu N’tho (champion du monde) et Christian Garros (champion d’Europe). Il était bien plus fort que moi. Mais j’ai réussi à le surprendre avec mes poings et je l’ai mis KO au premier round.
J’aimais bien me balader dans le quartier de Walking Street, soit tout seul, avec des potes, ou avec une copine. Lorsque je voyais un bar avec un ring, je demandais si je pouvais combattre.
À cette époque, entre mes 18 et 20 ans, je ne m’entraînais pas trop en Thaïlande, mais j’avais une très bonne forme physique. Quand je montais sur le ring, j’étais prêt.
Par contre, un jour, j’ai fait l’erreur de boire quelques verres d’alcool juste avant de monter sur le ring d’un bar. J’étais avec des amis thaïlandais, et l’un d’eux m’avait défié. Nous sommes montés sur le ring et avons combattu. Je n’étais pas au mieux, je boxais au ralenti. Mais comme le Thaïlandais en face était dans un état similaire, le combat était équilibré. Finalement, il s’est terminé par un match nul… »
Fabio Pinca (2 fois champion du monde, champion du Radja, champion Thai Fight, champion d’Europe, champion de France) est considéré comme l’un des meilleurs combattants étrangers de sa génération. Il a été le premier étranger de l’histoire à remporter le fameux tournoi Thai Fight de Bangkok et le premier Français à avoir conquis le prestigieux titre du stadium du Radja :
« Mon tout premier combat en Thaïlande, je l’ai fait dans le bar Best Friend à Pattaya. J’avais 18 ans et c’était mon tout premier voyage en Thaïlande. Je m’entraînais au camp Sityodtong à Pattaya. Je découvrais la Thaïlande.
Après quelques entraînements, je me suis baladé dans la ville et je me suis retrouvé devant le bar Best Friend. Il y avait un gars du camp Sityodtong qui était là et qui m’a demandé si je voulais combattre. Je lui ai dit oui, et il m’a répondu : « Ok, tu combats demain ».
Je me suis retrouvé face à un ancien champion des stadiums de Bangkok, qui avait beaucoup plus d’expérience que moi. Mais il n’avait plus trop la forme physique. Du coup, je lui ai fait la guerre pendant tous les rounds et j’ai gagné aux points.
C’est un bon souvenir pour mon premier combat en Thaïlande, dans l’ambiance assez particulière des bars de Walking Street. Il y avait Nash ce soir-là quand j’ai combattu au Best Friend, et ensuite, il m’a fait découvrir la Thaïlande ! »
Youssef Boughanem (23 fois champion du monde, champion du Lumpinee, champion du Radja, champion Omnoï, champion Thai Fight) est le plus grand combattant étranger des années 2010. Il possède près de 250 combats à son actif et il est le seul étranger de l’histoire à avoir remporté trois titres des trois grands stadiums de Bangkok : le Lumpinee, le Radja et Omnoï :
« Je n’ai pas combattu dans ces bars, mais mon fils a fait six combats dans le bar Best Friend. Il a fait cinq combats en Muay Thai et un combat en boxe anglaise dans ce bar ! »
Kamel Jemel (Champion du monde, champion d’Europe), surnommé « Mister Dynamite », est considéré comme l’un des plus gros punchers de sa génération avec 97 victoires par KO. Il a été sept fois champion de France consécutif de Muay Thai, 2 fois champion d’Europe et 2 fois champion du monde :
« Je n’ai jamais combattu dans les bars de Pattaya. J’ai fait mon premier combat en Thaïlande en 1990 à Pattaya dans le stadium Lung Kee, c’était aussi le premier endroit où Ramon Dekkers (légende hollandaise) avait combattu. Je crois qu’il n’existe plus ce stadium.
Mais à Pattaya, j’aimais beaucoup aller voir des matchs de boxe au Best Friend et au Marine Bar. C’était sympa et on voyait des trucs assez surprenants, il y avait parfois même des anciens champions thaïlandais qui combattaient, donc il y avait quand même de la qualité dans ces matchs de bar… »
Djamel Yacouben (Champion du monde, champion d’Europe, Organisateur du show Prestige Fight) fait partie des combattants les plus percutants des années 2000. Il a été 3 fois champion de France de Kick Boxing, champion de France de Muay Thai, champion d’Europe de Kick Boxing et champion du monde de Muay Thai. Il a beaucoup combattu à Bangkok, notamment lors de la Fête de la Reine et aussi dans la région de Pattaya :
« J’ai combattu deux fois dans les bars de Pattaya.
En 1997, j’étais à Pattaya, je m’entraînais au camp Sityodtong avec Karim Saada (Champion du monde, champion d’Europe).
On se baladait en scooter avec Karim et des potes, et on s’est arrêté devant le bar Best Friend. Il y avait des gars du Sityodtong, ils nous ont demandé si on voulait combattre. Nous étions sept, ils ont fait un tirage au sort et 4 ont été pris.
Il y avait moi, Karim Saada, et deux amis qui s’entraînaient mais qui n’étaient pas des boxeurs. Ils nous ont mis des bandes, et prêté des shorts. Moi et Karim Saada, nous avons rencontré des Thaïlandais qui étaient des anciens champions. On a fait un match de trois rounds et nous avons perdu aux points. Les deux autres qui n’étaient pas des combattants, eux, ont gagné leur match parce qu’ils ont combattu contre des Thaïlandais de seconde zone, des chauffeurs de Tuk-tuk.
On a fait ces combats sur un coup de tête, c’était vraiment pour s’amuser dans cette ambiance spéciale des bars, mais c’était des vrais combats !
Et pour l’anecdote comme spectateur, il y avait le champion australien John Wayne Parr. Il venait d’arriver en Thaïlande, il n’était pas encore connu. Ensuite, il est devenu une grande star des rings en Thaïlande.
En 1998, nous étions trois boxeurs, moi, Karim Saada et Salah. C’était au Best Friend de nouveau. Nous avons fait des matchs contres des boxeurs thaïlandais où il y avait des paris en jeu. Et nous avons gagné tous les trois nos combats ! »
Nash Ular (Champion du monde) a été un combattant professionnel en Thaïlande pendant plusieurs années, effectuant de nombreux combats dans le pays. A la fin des années 90, en Italie, il a conquis un titre mondial Poids Lourds WPKC de Muay Thai :
« Je n’ai jamais combattu dans les bars de Pattaya, je n’ai combattu que dans les stadiums de Pattaya. J’avais affronté un Thaï qui travaillait dans un bar, au Marine Bar, où il faisait les shows là-bas.
Mais je connais très bien l’ambiance des bars de boxe de Pattaya, car pendant des années, j’y suis allé presque tous les soirs, surtout au Best Friend. Je connaissais tous les anciens champions thaïlandais qui travaillaient dans ces bars.
En général, à mon époque, au début des années 2000, les gars qui se battaient en Muay Thai c’était surtout au bar Best Friend, là ça tapait vraiment fort. Au Marine Bar, c’était plutôt en boxe anglaise et souvent avec des mecs bourrés.
Le fonctionnement des matchs dans ces bars était assez simple, les boxeurs restaient fidèles à leur bar. Les bars se cotisaient ensemble et payaient les boxeurs et les arbitres. Les boxeurs ne touchaient pas grand-chose, quelques centaines de bahts. Les arbitres touchaient plus, car souvent, c’étaient d’anciens champions qui faisaient office d’arbitres et de juges en même temps.
Le frère du légendaire Samart Payakaroon, le grand champion Kongtoranee, était arbitre au Best Friend, tout comme Kik, l’entraîneur principal du camp Sityodtong. Ils étaient au Best Friend toute l’année, ils entraînaient au Sityodtong l’après-midi et le soir, ils arbitraient au Best Friend.
Tous les vendredis soirs, il y avait des combats d’enfants au Best Friend. Il y avait notamment la petite star du Sityodtong qui combattait souvent, et elle affrontait carrément des garçons qu’elle battait. C’étaient des matchs de trois rounds.
Au Siren Bar, ça boxait aussi un peu, mais beaucoup moins qu’au Best Friend. Les shows étaient plus importants au Best Friend.
Au Marine Bar, il y avait beaucoup de parieurs, car il y avait aussi beaucoup de boxeurs thaïlandais qui combattaient au stadium Thepprasit de Pattaya. C’était une ambiance plus glauque. Ils faisaient souvent combattre des toxicomanes thaïlandais contre des étrangers un peu “chauds”. Ça donnait des matchs de fous, ils se déchiraient sur le ring, il y avait des mâchoires cassées et souvent du sang partout ! »