FARID KENNICHE
Interview de FARID KENNICHE
par Serge TREFEU (2013)
Bonjour Farid, tout d’abord je te remercie pour cette interview, comment vas tu ?
Bonjour Serge je te remercie de m’accorder cette interview. Je vais bien merci. Je vis à Rochecorbon à 5 minutes de Tours (37), en bord de Loire
Tu as grandi en banlieue parisienne à la Courneuve dans la cité des 4000, enfant tu étais plutôt bagarreur ou pas du tout ?
J’ai grandi au 4000 et j’ai beaucoup traîné dans la rue (tout en réussissant mes études) sans pour autant être bagarreur. Ça m’a beaucoup manqué de ne pas savoir me battre dans un lieu où il n’y a pas besoin de chercher l’embrouille pour la trouver…
Comment tu as découvert la boxe ?
Au début j’ai fait de la boxe éducative en anglaise. Le prof de gym était un ancien champion de boxe anglaise. Il s’appelait Lucien, il avait gagné, (de mémoire, j’étais en sixième) le dernier gant d’or à Chicago à la fin de la deuxième guerre mondiale. Je m’entraînais à l’époque en salle de gym au Lycée « Collège Raymond Poincaré » à La Courneuve et le mercredi après-midi au « ring de Montreuil ». Je me rappelle de deux vieux rings, des vieilles affiches de boxe dont certaines peintes sur les murs. Je me rappelle l’odeur des vieux gants de boxe en cuir remplis de paille. De très bons souvenirs. J’ai ensuite découvert la boxe thaï grâce à Omar Benamar…
Qu’est ce qui t’a attiré en particulier dans ce sport, la boxe thai ?
Ce qui m’a attiré dans la boxe thaï, c’est qu’il n’y a pas de blabla. Pas de grades à passer, pas de katas à apprendre par cœur, pas d’équipements chers à payer. (Aîné d’une fratrie de trois enfants, seul mon père travaillait comme peintre en bâtiment).
Ce que j’ai aimé aussi c’est l’ordre et la discipline qui régnait pendant les heures de cours. Même les plus diaboliques de la cité devenaient des élèves assidus ou abandonnaient. Et ce que j’ai tout particulièrement apprécié, c’est qu’en boxe thaï on devient très, très vite opérationnel !
Tu as débuté la boxe thai avec le célèbre entraîneur Omar Benamar, au club Nemrod à Stains, tu as fais toute ta carrière de boxeur dans ce club ?
J’ai fait l’intégralité de ma carrière au Nemrod avec Omar Benamar secondé par Lyazid Bellaoues. Ils étaient inséparables et complémentaires. Si Omar n’avait pas ouvert ce Club, je n’aurais jamais fait de boxe et surtout je n’aurais jamais atteint ce niveau. Je lui dois vraiment tout !
FARID KENNICHE ET OMAR BENAMAR
Comment s’est passé ta rencontre avec Omar Benamar qui je crois habitait aussi au 4000 ?
Omar Benamar était quelqu’un à la fois respecté et craint. Je me rappelle que même les « Caïds » du quartier avaient beaucoup d’estime pour lui. Le soir après son travail, Omar nous attrapait dans les halls et nous expliquait les valeurs du sport, du travail et de l’école. Il insistait sur le fait d’avoir des objectifs, d’arrêter de galérer sous les halls et d’apporter des embrouilles aux parents. Il nous mettait en garde sur la drogue qui faisait alors de gros dégâts dans les cités et nous faisait des démonstrations de boxe anglaise, karaté et boxe thaï. C’est sans doute grâce à son travail de persuasion que j’ai été assidu à l’école. Même si des fois on se cachait quand on le voyait arriver…
Quel est le meilleur souvenir de combat que tu gardes avec Omar ?
Mon meilleur souvenir de boxe, je l’ai eu en Algérie, à Oran. C’était un Gala de boxe anglaise organisé par mon ami Houary Amri (entraîneur de Jean-Baptiste Mendy ) qui à tout fait pour donner une chance à l’international aux boxeurs algériens (comme deux poids lourds, Moussa Moustapha : champion du monde olympique, Boutchiche, et d’autres). A Oran, je devais faire une démonstration de boxe thaï, mais mon adversaire à voulu un combat. A la pesée leur prof qui lâche : « pas de démonstration, ni père, ni mère… jusqu’au KO ! ». Mon adversaire avait 10 kg de plus que moi. Ce soir là, il y avait les frères Berrandou (Abedellah, Bibi et zut… j’ai oublié son prénom) qui eux aussi ont vu leur démonstration se transformer en combats avec plus ou moins 5 à 10 kg d’écart en leur défaveur.
Le gymnase d’Oran était rempli. Que des hommes. Pas une seule femme. Dans les allées qui menaient au ring des policiers armés. Tout d’un coup, tout le public qui se met à taper des pieds. Une ambiance de dingue, la jungle… une ambiance sauvage qui me donne encore plus envie de gagner. Pendant ma traversée jusqu’au ring une partie du public nous insulte comme si c’était un match (dixit certains du public) les algériens de France contre les Algériens d’Algérie. D’habitude pendant la préparation dans le vestiaire Omar me demande de faire un round d’observation, de toujours bien monter la garde, de ne pas aller à la bagarre, de l’écouter et de travailler uniquement la technique. Ce jour là il me dit : « … censuré…», tu feintes et tu me le descends d’entrée. Donc je monte il me lance 3 lows kick que je bloque avec le sourire. J’envoie une feinte du gauche suivie d’un hight kick qui retourne mon adversaire. Je le saisi pendant son demi tour pour le plier à l’envers et lui placer un coup de genoux pleine tête. Compté jusqu’à 8 son public exige qu’il reprenne le combat.
Je le re-feinte sur un faux low kick suivi d’une droite (la feinte de base) et d’un dernier coup de genoux visage. Fin du combat. Je m’agenouille et embrasse le ring pour que le public comprenne que nous n’avons pas renié nos origines et là : ovations et applaudissements. Nous avons été applaudis et klaxonnés également dans la rue. Les frères Berrandou ont fait un festival technique et tous gagnés par KO également !
L’ambiance devait être bonne au sein du club Nemrod car il y avait beaucoup de jeunes champions, avec quels boxeurs tu tournais en sparring ?
L’ambiance était très bonne au sein du Nemrod. L’ambiance était orientée entraînement, entraînement, entraînement. On entre dans le vestiaire on se change, on « blablate », on monte sur le tatami, on ne blablate plus. Omar nous met en colonne par deux les uns derrière les autres, les plus anciens devant, il parle des combats gagnés ou perdus durant le week end, les analyse rapidement, en tire les leçons, toujours positives, on le salue et entraînement. Interdiction de parler, d’avoir des bijoux et de se la raconter. Celui qui se la raconte, aller hop sur le ring contre Omar. Et hop il ne se la raconte plus, c’est simple, direct et magique.
En sparring je tournais beaucoup avec Jean Philippe Lagrand lui aussi des 4000 et champion du monde dans plusieurs disciplines, avec mon frère Karim, avec Farouk Boudard champion du monde de boxe thaï, pas du tout médiatisé qui à pourtant battu Dida et combattu la terrible légende Somsong dit « le bûcheron » (rien que son nom faisait flipper et perdre 30% de tes moyens). Je me rappelle que Farouk m’a dit « tu te rends compte je le regardais sur Karaté Bushido quand j’étais ado et maintenant je me retrouve en face de lui sur le ring ». Avec 10 kg de moins que moi Farouk me tenait tête en corps à corps et je passais des rounds de souffrance. Je tournais aussi avec Dany Bill le meilleur et plus sérieux élève du Nemrod. Il faisait à 15 ans deux heures de transport aller-retour pour venir s’entraîner. Quand il ne s’entraînait pas dans une autre discipline il visionnait des cassettes de divers sports de combat et progressait à une allure vertigineuse, phénomène « insuivable », un TGV de la boxe. Il est toujours resté humble et pourtant nous surpassait tous. J’ai aussi tourné avec Philippe Renac très respecté dans le club, pédagogue et technicien il a combattu contre Fabrice Payen (Premier occidental classé au Rajadamnoern ). J’ai tourné avec Moussa Sissoko champion de France, d’Europe, du monde de boxe Thaï et champion d’Afrique de boxe française, humble, discret et pas du tout médiatisé. J’ai aussi tourné avec Olivier Abderide (qui donnait des cours de boxe thaï aux enfants, à Stains), Edouard Gradel très bon technicien, Mohamed et Karim Bennai, Malik Toumer avec qui j’ai fait la préparation de mon combat contre Changpuek, Teddy Boulon, José, Karim et Driss Kadouri, Karim Achouren, Faouzi, Ricko (paix à son âme), Nabil. Désolé si j’en oublie certains et pour ceux dont j’ai oublié le nom de famille…
Est ce qu’il y a des boxeurs de l’époque, des champions français ou des champions étrangers qui t’ont inspiré pour la suite de ta carrière ?
Je commence par ceux de mon quartier :
Oui il y en a beaucoup. Le premier, il n’était pas connu à l’époque, il est de mon quartier et a vraiment impressionné mon cerveau. Au début il s’entraînait où il pouvait, dans un théâtre désaffecté où des jeunes faisaient de la danse, du hip hop, des répétitions de musique, tout le monde mélangé, et, dans son coin ce boxeur : Il s’agit de Khaled Hebieb, un vrai passionné, rapide, puissant, très rapide, les paos claquaient vraiment fort. Je ne faisais pas de boxe à l’époque. Je me rappelle que je me disais qu’il devait faire vraiment très mal. Son entraîneur, une autre figure du quartier, « Danone » (Jean Claude Coralie) qui a cassé en démonstration 3 ou 4 battes de base-ball avec un seul low kick. Les entraînements de « Danone » étaient vraiment physiques et éprouvants.
D’autres jeunes m’ont inspiré : les frères Allaoui, Scalp (Pascal Grégoire) technicien surdoué et surtout un jeune du quartier Boulbaba Jaballah de qui je continuais à apprendre des choses même avec des titres (il a donné des entraînements à Stains). Je n’oublie pas André Zeitoun, référence au 4000 et maintenant dans le monde de la boxe thaï, très respecté, ami d’Omar, qui nous donnait des cours gratuitement et faisait le grand écart debout les deux cuisses collées contre les parois de l’ascenseur dans son hall. Il fallait des gars comme ça pour marquer les fortes têtes.
J’avais la chance d’avoir dans mon quartier Léon Mendhi dit « le sage », boxeur très propre, robuste et très efficace. Il parle peu, mais ses conseils valent de l’or pour ceux qui savent écouter.
Les champions Français (ou en France) qui m’ont inspiré : Somsong à l’époque La Référence, Kronksak que je comparais à un ordinateur à qui il est impossible de placer deux fois la même feinte et qui adapte sa stratégie au quart de tour selon l’adversaire qu’il avait en face, Dany Bill, Khaled Hebieb, Guillaume Kerner, Joe Prestia, Fred Boigeol, Joel César, Stéphane Nikiéma, Jean-Charles Skarbowsky, Scalp (Pascal Grégoire), Kamel Jemel, Totof, Jaïd Seddak, Sosso, Cantamessi, Benatia de Nanterre, André Richard Nam, Bruno Benlabed, Gilles Tirolien, Richard Sylla en BF, Youssef Zenaf en full contact, Christian Tissier en aïkido !
Les champions étrangers qui m’ont inspiré : Le légendaire et unique Put Pat Noy, Krongsak, Somsong, Kaman, Attapong, Dekkers, Ernesto Hoost, Fred Royers, Mirko Filipović « Cro Cop », Jean-Yves Thériault, Bill Wallace, Mohamed Ali !
J’en oublie forcement…
Tu as combattu rapidement, tu te souviens de tes tous premiers combats ?
Oui j’ai combattu au bout de 6 mois de pratique dans un gala dans ma ville d’entraînement : Stains, directement en classe B ou A. Je n’ai jamais fait ni d’interclubs ni de classe C. Je combattais contre un élève du Derek Boxing de La Courneuve fondé par titi (Antoine) et René Desjardins. Omar ne savait pas comment j’allais me comporter. J’ai gagné…
Combien tu as effectué de combats, victoires, défaites ?
J’ai fait une carrière rapide : pratiquement que des remises de titres en jeu.
Beaucoup de mes combats étaient annulés au dernier moment par mes adversaires. Je m’entraînais toutes l’année et ne faisais aucun combat d’entretien, que des combats au moral pour garder mes titres.
Donc 26 combats 22 victoires (malgré des adversaires dépassant la centaine de combats voir beaucoup plus), 4 défaites
Est ce que tu as remporté beaucoup de victoire par KO ?
Oui 19 KO ou arrêt du médecin, arbitre
Tu as remporté plusieurs titres, toujours par trois, tu as été trois fois champion de France, trois fois champion d’Europe et trois fois champion du Monde, on va commencer par tes titres de champion de France, tu as gagné ton premier titre contre Cledat en 1988, puis contre Ferreira en 1989 et enfin contre Boyard en 1990, tu peux nous parler de tes affrontements contre ces champions ?
Ce que je peux dire de ces combats, c’est que je suis toujours monté sur le ring avec une très bonne préparation. J’avais une très bonne préparation mentale avec Omar et beaucoup souffert aux paos avec Lyazid. Omar me disait toujours « ça m’étonnerait que ton adversaire ait souffert comme toi en salle et en footing ».
Cledat et Boyard étaient robustes. Ils avaient tous les deux une bonnes anglaises et de bons low kicks. Je mesure 1m88 et ils étaient plus petits que moi mais plus costauds pour le même poids. Sous les conseils d’Omar « Ils sont plus petits que toi donc ne cherche pas la bagarre et monte bien la garde : des crochets larges à la volée peuvent venir d’en dessous, ne te fais pas cueillir bêtement ». J’ai bien observé les consignes avec quelques rappels pendant les combats. Les coups de genoux ont fait la différence. Je bats Clédat par KO au 2ème rounds et Boyard par abandon au 3ème rounds !
Ferreira est beaucoup plus coriace, technique et fort mentalement. Je gagne aux points dans un match très difficile.
Devenir Champion de France était pour moi irréel. J’étais vraiment content. Je m’entraînais pour le plaisir et je gagnais des titres qui validaient mon apprentissage.
J’étais fier pour Omar, Lyazid, mes parents, mon frère, Stains, Les 4000, et tous mes amis. La boxe c’est un travail d’équipe. C’est vrai qu’on se retrouve seul sur le ring. Mais il ne faut pas oublier tout le travail de ceux qui permettent que ça arrive dans les meilleures conditions…
En 1990 tu gagnes ta première ceinture de Champion d’Europe contre l’anglais Kash, puis la deuxième contre le belge Corromans en 1991 et la dernière ceinture de champion d’Europe en 1992 contre le redoutable hollandais Orlando Wiet, quels souvenirs tu gardes de tes matchs face à ces combattants ?
Gilles Kash « The Flash » était très rapide des poings et des jambes. C’est le travail du corps à corps qui a fait toute la différence, KO 3ème rounds.
Corremans était très robuste et beaucoup me donnaient perdant à cause de ses redoutables low kicks. Les feintes, mes coups de genoux travaillés par Lyazid sous la direction d’Omar pendant des années font que je suis vainqueur par arrêt de l’arbitre au 4 ème rounds.
Rencontrer Orlando Wiet, c’était pour moi comme faire un championnat du monde.
Maintenant ce n’était plus la technique qui ferait la différence mais le mental. Je devais me convaincre que ce « gladiateur » était un adversaire comme un autre. Je suis monté sur le ring sans aucun doute (Omar me les avait tous enlevés). J’ai fait mon travail. Je pensais gagner par KO. J’ai gagné aux points…
KENNICHE VS CORROMANS
KENNICHE VS WIET
Tu fais ton premier championnat du Monde en 1991 face au solide thaïlandais Kongburry, tu perds aux points, que retiens tu de ce premier championnat du Monde ?
Faire un Championnat du monde, ça c’est un rêve. Perdre ou gagner n’était pas important. Je n’avais aucune pression mais beaucoup de trac comme à tous mes combats. C’était comme un match test qui allait m’ouvrir les portes de la reconnaissance. Bien sûr, je voulais gagner. J’ai perdu aux points mais de peu. J’ai senti Kongburry à ma portée. Toutes mes techniques ne suffisaient plus. Maintenant on raisonnait en terme de stratégie de combat et de certaines parades qu’avait Kongburry contre mon corps à corps. Donc Omar voulait une revanche contre Kongburry avec une stratégie gagnante, round par round qu’il avait en tête. Il a demandé à Lyazid Bellaoues et Jean Melliani de me faire travailler d’autres techniques et de corriger mes points faibles. Kongburry était plus fort que moi stratégiquement. Il gérait bien ses rounds, son souffle, ses accélérations et ses projections. Il est vainqueur aux points.
Mais j’avais fait un championnat du monde contre un thaï et je m’en sortais entier !
KENNICHE VS KONGBURY
Tu retrouves le thaïlandais pour un nouveau championnat du monde en 1992, cette fois ci tu t’imposes aux points, une belle revanche ?
Oui une très belle revanche surtout que je sortais d’une journée de travail. Métro, Boulot, Combat, Mon point faible dans ce combat était les projections au sol et d’une façon plus générale la stratégie. Un premier round qui n’est vraiment là que pour l’observation : marquer des points, ne pas chercher à surprendre Kongburry, accélérer doucement au deuxième en plaçant quelques feintes et surtout me ménager pour le troisième rounds où normalement j’ai une baisse d’énergie pour retrouver mon second souffle au 4ème rounds. Au cinquième il faut impressionner les juges. Pendant les cinq rounds, toujours avancer, être au milieu du ring, montrer qui est le patron. Dès que j’accrochais Kongburry pour le travailler au corps à corps il me plaçait une projection, toujours la même. Omar l’avait repéré très tôt pendant le combat mais têtu, je refaisais la même erreur. Sous la demande d’Omar à l’entraînement avec Jean Meliani (professeur de boxe anglaise à Stains) j’ai travaillé sur ce point faible de façon à emmener Kongburry avec moi au sol dès qu’il me plaçait cette projection. Je gagne aux points. Je suis aux anges !
KENNICHE VS KONGBURY
Tes deux autres ceintures de champion du Monde tu les as conquis contre le hollandais Brian Peters en 1991, un champion au physique puissant que tu as battu pourtant par KO au 1er round, puis contre le belge Bernard Thierry, aussi un solide champion, lui tu l’as battu par KO au 5ème rounds, c’est grâce à tes superbes techniques de genoux que tu as terrassé ces champions, quels souvenirs tu gardes de ces deux championnats du monde ?
Je garde un énorme bon souvenir de ces deux championnats du monde. Surtout que j’ouvrais la voie pour plein d’autres ceintures pour mon club et que je remerciais du même coup la ville de Stains qui aidait beaucoup le club.
Pour Brian Peters, Stéphane Nikiema l’avait affronté et m’avait prévenu que ses low kicks et son anglaise étaient redoutables. Il envoyait ses low kicks en entrée de corps à corps et surprise pour moi, également en sortie de corps à corps. Il faisait très mal.
Je savais que le combat finirait au KO, soit pour moi soit pour lui. Il était puissant et précis.
Pour ce combat (peu de gens le savent) je suis monté avec le métacarpe auriculaire de la main gauche cassé. Le Médecin officiel de la fédération et ami Marc Guérin, lui même pratiquant de boxe thaï est venu me voir et me conseiller : « Ne porte pas tes coups de la main gauche mais boxe quand même comme d’habitude… Fais plus de feintes de la main gauche et PENSE à remonter ta garde MÊME si tu as mal ! ». Il avait entièrement raison. Je me suis fais cueillir car je ne suis pas revenu en garde assez vite sur une gauche. Je ne pouvais pas refuser ce combat, c’était un titre à prendre. De toute façon on ne fait jamais un combat en étant à 100% (cheville, fièvre, etc…) Je n’étais ni le premier ni le dernier à faire un combat dans ces conditions. Avec Omar on travaille autant le mental que la technique. Il a toujours la petite phrase qu’il faut au bon moment. A la finale c’est le mental qui paie et surpasse tout le reste. Après avoir été touché par un crochet du gauche, j’envoie les genoux en saisie direction visage en alternant genoux gauche et droit. Je gagne KO au 1er round mais ça aurait pu être l’inverse. J’étais donné perdant face à ce très grand champion qu’est Brian Peters !
Bernard Thierry est un combattant robuste et bien préparé. Il a un mental d’acier et une bonne technique de poing et de jambes . Avec un travail de sape en genoux et feintes je gagne par KO au 5èmes rounds !
KENNICHE VS PETERS
Est ce que tu es déjà allé en Thaïlande pour t’entraîner et combattre ?
Non je ne suis jamais allé en Thaïlande pour m’entraîner et combattre. C’est sûrement l’un de mes regrets de ne pas avoir inscrit mon nom en Thaïlande. J’ai toujours fait de la boxe pour le plaisir sans penser qu’un jour j’aurais des titres.
Je travaillais en même temps comme analyste programmeur en informatique.
Pour moi la Thaïlande, c’était à Stains surtout quand je rencontrais des boxeurs qui partaient 6 mois en camp avant de me combattre et que je les mettais KO au premier round…
Mais je regretterai toujours de ne pas y avoir été…
Quel est ton meilleur souvenir de combattant ?
Mon meilleur souvenir de combattant. C’est bizarre mais c’est à la fin de ma carrière quand Put Pat Noy est venu me voir pour me demander de ne pas arrêter la boxe thaï. Je ne sais pas comment il a su, mais ça m’a vraiment touché puisque je m’en rappelle encore aujourd’hui. C’est un maître qui est venu me voir, pas n’importe qui !
Et le pire ?
Mon pire combat : contre Howell, je n’arrivais pas à le coincer, il tournait, tournait.
Il fallait que je lui barre la route sans qu’il me surprenne et me contre. Omar criait : « ne le suis pas, construit calmement, monte la garde, monte la garde, arrête de le suivre, coupe lui la route ». On pensait que sa stratégie était de m’endormir, puis d’ accélérer brutalement pour me cueillir. J’ai gagné par KO au 3ème rounds…
Ton combat le plus dur dans ta carrière ?
Mon combat le plus dur : Adel Ferreira .
Quand je l’ai rencontré il était déjà champion d’Europe et moi champion de France.
Je le rencontre chez lui à Clermont Ferrand. C’est vraiment un dur au mal avec une bonne technique de boxe anglaise. Premier round, je cherche à lui saper ses défenses low kick avec des violents tibias contre tibias, ça lui fait ni chaud ni froid, il continue de bloquer. Plus tard, je lui plante dans les côtes plusieurs coups de genoux qui, je crois, lui ont fracturé des côtes, il continue. Je lui place un coup de genoux visage qui lui casse le nez, il continue. Plus tard, je pense l’avoir touché et pouvoir finaliser le combat, il me place une série des deux mains qui me renvoie violemment dans le coin opposé du ring. Omar et Lyazid crient : « monte ta garde et travail ! ne cherche pas le KO! »
On fait les 5 rounds, je gagne aux points et tire comme leçon qu’un lion blessé peut être dangereux jusqu’au bout…
Omar nous répète sans cesse « NE CHERCHEZ PAS LE KO, montez la garde et travaillez, le KO viendra tout seul s’il doit venir » Ce qui est la vérité, ce n’est pas une théorie, c’est un fait. C’est comme ça.
Mon deuxième combat le plus dur : Orlendo Wiet
J’ai trouvé ce combat dur pas parce que j’ai été éprouvé physiquement mais parce que j’ai gagné mais qu’une partie du public m’a sifflé. Orlando monte sur le ring les yeux anormalement ronds comme des billes. Je lui mets un coup de genou pleine tête, puissant et précis, je suis sûr de mon coup, je vais au coin pour qu’il soit compté. Je me retourne et il est debout. Incroyable. Omar me dit « «laisse tomber j’ai compris » et de le travailler techniquement jusqu’au 5ème sans chercher le coup dur. Tous les coups que j’ai envoyé ont touché avec précision. Orlando a fait du spectacle, sans réellement me toucher. La majorité des coups sont à coté, mais il fait du spectacle.
L’arbitre Kouider ABDELMOUMENI, un grand champion et précurseur devenu professeur à Nanterre, a failli plusieurs fois lui mettre un avertissement car il venait s’essuyer sur sa chemise. Il m’a quand même placé un coup de genoux visage sans aucune puissance. Ce que j’ai trouvé marrant et osé…
Tu as fais des études importantes en informatique, et lorsque tu boxais, tu exerçais le métier de programmeur en informatique, ce n’était pas trop dur de pouvoir s’entraîner à haut niveau et en même temps d’avoir un travail très prenant ?
Oui c’était prenant, mais la boxe était mon seul loisir et je le faisais avec passion.
J’aurais peut être dû construire sur cette passion et laisser de coté l’informatique.
Il y avait après le boulot et le RER soit footing, soit entraînement. Quand j’étais dedans je ne voyais pas que c’était dur. Mais si c’était à refaire j’aurais privilégié la boxe, fait d’autres sports de combats, et bâti un « après boxe » comme l’ont fait Dida, Joe Prestia, Fabrice Allouche et d’autres…
Tu as d’ailleurs monter ta propre société d’informatique qui s’appelle « Saint Hubert Développement » , tu peux nous en parler ?
J’ai développé une société d’informatique de création de logiciels de gestion et de création de sites internet avec ma femme. La phase la plus ardue a été de recruter des commerciaux. Faute de trésorerie nous ne pouvions rémunérer qu’en terme de commissions. Nous n’avons eu aucun commerciaux digne de ce nom, juste des amateurs sans préparations qui promettaient monts et merveilles du style « j’ai un excellent relationnel, je suis un très bon vendeur et je vendrai du sable dans le désert » .
Nous avons arrêté cette société pour transformer notre maison située à Rochecorbon (à 5 kms de Tours et à 3 kms de Vouvray) en restaurant familial et en lieu d’hébergement. Nous sommes au cœur de la Touraine. Nous y faisons de la cuisine traditionnelle. Nous nous en sortons car nous n’avons pas de salarié. Nous subissons donc moins ce tournant économique nommé la crise. J’ai fait un site pour le restaurant : www.rochecorbon.com
Après ta carrière de boxeur tu es partis en Polynésie, où tu as ouvert un club de boxe thai, comment c’est passé cette aventure à l’autre bout du monde ?
La Polynésie c’est extraordinaire, le Paradis sur terre. J’étais au Motel Albert à Mooréa dans une famille polynésienne. Les polynésiens sont très accueillants. Je travaillais tous les matins dans le motel en échange du loyer. Je péchais presque toutes les nuits, pendant huit heures, au fusil harpon au large ou à l’intérieur des lagons avec Andy Fry dit le « Dauphin ». Pour Andy c’était son gagne pain. Je nageais au milieu des requins, perroquets (qui dorment la nuit), carangues etc… J’ai croisé des poissons de ma taille. Le flip total. J’habitais sur une plantation d’ananas, tous les jours : légumes et fruits à volonté (ananas, goyave, banane, fruit de la passion, pamplemousse, citron, papaye, avocat énorme, etc… )
J’ai donc ouvert une salle de boxe thaïlandaise, où j’avais une trentaine d’élèves.
Les cours étaient gratuits. La salle était une salle de fitness mise à ma disposition.
Les polynésiens sont guerriers et combatifs. Ils ont une nourriture saine, ce qui leur donne une force et une puissance naturelle. J’y ai vraiment beaucoup de bons souvenirs…
Est ce que tu suis toujours les combats de boxe thais, tu connais les champions de maintenant ?
J’ai continué à m’ intéresser à la boxe thaï au travers des vidéos sur internet. Dans un autre domaine, j’ai eu un gros coup de cœur pour le free fight dont je regardais beaucoup de vidéos, surtout les UFC : j’aime ce qui est efficace. J’ai suivi le parcours très propre du guerrier Jérôme Le Banner, des phénomènes Farid Villaume et Kamel Jemel. Plus tard j’ai été ébahi par le très talentueux Buakaw Por Pramuk. J’ai essayé de suivre la carrière de Lahcen Brigui du Derek Boxing, un copain de mon quartier, simple, humble et efficace. J’ai adoré le style de Andy Souwer et du suisse Andy Hug (sûrement mon boxeur préféré) sans oublier le très courageux Cyril Abidi.
Mais je ne réponds pas à la question :
J’ai honte mais je suis incapable de donner le nom des champions de maintenant, à l’exception de Sofiane Allouache et Yohan Lidon (Deux guerriers que j’ai vu combattre à Tours), de Gregory Choplin, de Fabio Pinca et d’Angélique PITIOT (Championne du Monde et Tourangelle) !
Qu’est ce que tu penses de la boxe thai aujourd’hui en France ?
J’ai l’impression qu’il y a beaucoup moins de combats qu’avant. Et ce qui est sûr c’est que ce n’est pas la faute des boxeurs. Le niveau technique général à beaucoup évolué. Des galas que j’ai pu voir il n’y a plus beaucoup de boxeurs faisant la guerre sur le ring même dans la souffrance à la façon old school, genre Joe Prestia ou Farouk Boudard…
Tu veux ajouter quelque chose ?
Après ma victoire contre Brian Peters les hollandais ont tenu à ce que je combatte contre l’un de leur jeune poulain. Pour ce combat on m’a interdit les coups de genoux à la tête. J’ai donc combattu dans ces conditions contre Perry Ubeda que je suis le seul à avoir battu en Europe. C’est un combattant explosif, intelligent et plein de ressources.
KENNICHE VS UBEDA
Je tiens à remercier Isabelle Alcaraz, ma compagne du moment, qui à tout fait pour que je puisse m’entraîner sereinement et qui m’a toujours soutenu dans toute ma carrière et avec qui je suis partie à Moorea.
Je tiens à remercier mon père Boualem et mon frère Karim qui sont venus à tous mes combats, à Pascal Iglicki pour son amour du pied-poing et qui depuis des décennies rencontre tous les boxeurs tous sports confondus pour immortaliser leurs combats et qui généreusement nous a donné des photos de ses combats, à Daniel Allouche pour cette mise en ambiance mythique dont il a le secret, qui sait aussi aller au vestiaire pour nous dire la petite phrase qui fait la différence.
MR BOUALEM KENNICHE, FARID KENNICHE, OMAR BENAMAR
FARID KENNICHE ET PASCAL IGLICKI
FARID KENNICHE ET DANIEL ALLOUCHE
Je tiens à remercier Rachid Saadi qui était là à tous les entraînements et galas. Il nous a toujours soutenu et a beaucoup participé à la vie du club. Samy Kebchi pour l’organisation et la retransmission des galas. Don Clovis pour sa passion, sa sympathie et tous ceux à qui il a ouvert plein de portes. Put Pat Noy, Antoine et René Desjardins, Sam Berrandou, Kouider ABDELMOUMENI et d’autres dont j’oublie le nom. Je remercie également le public qui est venu nous soutenir.
Je tiens également à remercier Patrick Nonnenmacher pratiquant de Full contact professeur de Odje Manda (à ses débuts) qui donne de son temps pour les boxeurs de la région. Je me suis beaucoup entraîné avec Patrick et il me dit souvent comme me le disait Léon Mendy « Tu dois retransmettre tout ce que tu as appris aux autres, et pas le garder pour toi » Patrick a tenu à ce que je devienne parrain du club de kick boxing Montlouisien et parle de moi dans tous les clubs où il passe transmettre son savoir.
FARID KENNICHE ET PATRICK NONNENMACHER
Je tiens aussi à remercier la personne qui m’a offert de façon anonyme une paire de gant de sac rouge et noir, avec laquelle j’ai fait toute ma carrière…
Et merci à mes entraîneurs Omar Benamar et Lyazid Bellaoues !
Je te remercie pour cette interview et bonne chance pour tes projets
Merci à toi
Farid Kenniche est un véritable phénomène de la boxe thai au même titre que son camarade d’entraînement le surdoué Danny Bill. Après être passé entre les mains du « gourou » de la boxe thai, Omar Benamar, Kenniche est devenu un redoutable combattant. Ce boxeur était doté d’une extraordinaire force mentale et d’une grande intelligence du ring. Kenniche savait utiliser à merveille ses longs segments, ses techniques de genoux étaient dévastatrices, les rotules de Farid ont électrocuté plus d’un combattant.
En plus Farid n’avait effectué qu’une poignée de combats lorsqu’il a rencontré les meilleurs mondiaux de sa catégorie. Affronté ces grands champions c’était déjà une belle performance mais Kenniche à fait mieux encore, il les a tous battu !
Ce pur passionné de boxe thai travaillait la journée en tant que programmeur en informatique et s’entraînait durement tous les soirs comme un boxeur professionnel.
Imaginez, deux heures avant son championnat du monde contre le redoutable Kongburry, Kenniche était encore en train de travailler devant son ordinateur, incroyable !
Ce qui rend encore plus grandes ses victoires face à des champions « professionnels » tels que Gill Kash (Champion du Monde de Kick Boxing, Champion du Monde de Full Contact), Kongburry (Champion du Monde de boxe thai), Brian Peters (Champion du Monde de Kick Boxing), Perry Ubeda (Champion du Monde de boxe Thai, Champion du Monde de Kick Boxing, Champion du Monde de Full Contact) et Orlando Wiet (Champion du Monde de boxe Thai, Champion du Monde de Kick Boxing) !
Ses défaites contre des pointures comme Kongburry et Changpuek sont plus qu’honorables. A l’époque Kongburry était Champion du Monde en titre et N°2 du Lumpinee quand Kenniche l’a affronté. Farid a perdu aux points mais a pris sa revanche avec une éclatante victoire sur le thai. Et Changpuek, c’était la terreur des rings des années 90, il avait battu trois fois le Roi Rob Kaman et combattait à 75 Kg contre les meilleurs poids lourds de la planète !
Kenniche est un exemple pour tous les jeunes issus des quartiers « difficiles » car ce jeune banlieusard, grâce à sa détermination, a réussi des longues études en informatique tout en accomplissant en parallèle une carrière sportive de haut niveau !
Voilà quelques combats importants dans la carrière du Champion Farid Kenniche :
Kenniche vs Aulnette, en 1987, demi-finale du championnat de France, Kenniche vainqueur par KO au 1er round
Kenniche vs Cledat, en 1988, final du championnat de France, Kenniche vainqueur par KO au 2ème rounds
Kenniche vs Patrick, en 1988, Kenniche vainqueur par KO au 1er round
Kenniche vs Ferreira, en 1989, Final du championnat de France, Kenniche vainqueur aux points
Kenniche vs Khaled (Algérie), en 1989, Kenniche vainqueur par arrêt de l’arbitre au premier round
Kenniche vs Jacquemont, en 1990, demi-finale du championnat de France, Kenniche vainqueur par abandon
Kenniche vs Boyard, en 1990, final du championnat de France, Kenniche vainqueur par abandon au 3ème rounds
Kenniche vs Gill Kash (Angleterre), en 1990, Championnat d’Europe, Kenniche vainqueur par KO au 3ème rounds
Kenniche vs Boyard, en 1990, Kenniche vainqueur par KO au 1er round
Kenniche vs Kongburry (Thaïlande), en 1991, Championnat du Monde, Kongburry vainqueur aux points
Kenniche vs Corromans (Belgique), en 1991, Championnat d’Europe, Kenniche vainqueur par arrêt de l’arbitre au 4 ème rounds
Kenniche vs Brian Peters (Hollande), en 1991, Championnat du Monde, Kenniche vainqueur par KO au 1er round
Kenniche vs Perry Ubeda (Hollande), en 1991, Kenniche vainqueur aux points
Kenniche vs Owel (Angleterre), en 1991, Kenniche vainqueur par KO au 3ème rounds
Kenniche vs Bernard Thierry (Belgique), en 1992, Championnat du Monde, Kenniche vainqueur par KO au 5ème rounds
Kenniche vs Kongburry (Thaïlande), en 1992, Championnat du Monde, Kenniche vainqueur aux points
Kenniche vs Orlando Wiet (Hollande), en 1992, Championnat d’Europe, Kenniche vainqueur aux points
Kenniche vs Changpuek (Thaïlande), en 1992, Championnat du Monde, Changpuek vainqueur par arrêt sur blessure
FARID KENNICHE
Poids : 75 Kg
Taille : 1m88
Nombre de combat : 26. 22 victoires. 4 Défaites
Titre : Trois fois Champion du Monde de boxe Thai, Trois fois Champion d’Europe de boxe Thai, Trois fois champion de France de boxe Thai
Club : Nemrod à Stains
Site Web : http://soludev02.free.fr
CHAMPIONNAT DU MONDE FARID KENNICHE VS BRIAN PETERS
@ « Siamfightmag retransmet avec exactitude les propos des personnes interviewés qui n’engagent qu’eux même »